L’innovation à la plage

Vous êtes installé sur le sable depuis déjà trop longtemps, écrasé sur votre serviette par les rayons du soleil. Vous avez abandonné votre roman estival pour garder un œil sur les enfants qui jouent au bord de l’eau. D’une main distraite, vous attrapez une poignée de sable blond que vous laissez filer entre vos doigts. La sensation est agréable : c’est doux, c’est chaud, très chaud même. Mais cette expérience n’évoque aucune pensée particulière car vous êtes occupé à refreiner l’envie d’aller dire aux enfants de ne pas s’éloigner… Dommage, car vous passez sans le savoir à côté d’un authentique sujet d’étonnement !

Le poirier à la plage, Source : Pixabay.

Dans un livre au titre poétique [1], l’astrophysicien Jean-François Becquaert nous rappelle que le silicium dont est constitué le sable (sous une forme oxydée nommée silice) provient des étoiles les plus massives, de masse entre 8 et 15 fois celle de notre soleil. Dans les dernières heures de leur courte et incandescente existence, ces étoiles bleues vont se mettre à fusionner des atomes d’oxygène pour fabriquer du silicium (et d’autres éléments) en très grande quantité, juste avant qu’une partie de ce silicium soit fusionnée en fer. Cette dernière étape de la nucléosynthèse stellaire conduit au phénomène d’explosion baptisé supernova. L’élément qui deviendra plus tard le constitutif principal de la croûte terrestre sera alors dispersé dans l’espace interstellaire pour se condenser quelques milliards d’années plus tard en la planète accueillante sur laquelle vous vous dorez la peau…

Si vous aviez laissé votre esprit divaguer du côté de l’histoire des sciences et techniques, vous vous seriez rappelé que l’humanité sait depuis le moyen âge transformer le sable en verre, avant de lui trouver nombre d’autres utilisations, du béton aux filtres pour piscine. Vous vous seriez aussi dit que le silicium des composants électroniques qui ont envahi tous les compartiments de votre vie vient aussi du sable (pas exactement de celui de votre plage mais qu’importe).

Et si vous aviez parcouru la presse au lieu de jouer les surveillants de baignade, vous auriez découvert qu’une start-up finlandaise vient de proposer une batterie … au sable ! Un des problèmes des énergies renouvelables est l’irrégularité de la production d’électricité qui n’est pas toujours en adéquation avec la consommation. En cas d’excédent, il faut donc stocker le surplus pour s’en servir plus tard. Plusieurs solutions existent pour ce faire : remonter l’eau dans les barrages ou utiliser d’énormes installations de batteries lithium-ion. Pas toujours faisable, coûteux, voire dangereux. La technologie de la société finlandaise Polar Night Energy consiste à stocker du sable dans un silo et à le chauffer à l’aide de l’excédent d’électricité jusqu’à 500°C. Le sable possède la capacité de garder la chaleur plusieurs mois. Cette chaleur peut alors être retransmise à un circuit d’eau pour servir au chauffage urbain. Simple, élégant, durable !

Les enfants s’éloignent vraiment trop du bord. Cette fois ci, vous sautez littéralement de votre serviette pour aller les rappeler à l’ordre. La prochaine fois, pensez au sable, vous voyagerez par la pensée bien plus efficacement qu’avec ce roman acheté à la va vite avant de partir.

L’équipe Benkei vous souhaite un bel été !


[1] Le Sahara vient des étoiles bleues, Jean-François Becquaert, Fayard, 1995.

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