Napoléon et l’innovation : le french art de la guerre (1ère partie)

S’il est bien un point qui fait l’unanimité au sujet de Napoléon, c’est son génie militaire.  Avec plus de 90% de batailles livrées gagnées, le sujet n’offre guère de place à la contestation. Derrière le qualificatif de « génie militaire » se cache, dans l’imaginaire populaire, un habile tacticien, tendant des pièges subtils dans lesquels l’adversaire un peu lourdaud tombe à pieds joints. Le récit de la plus emblématique des batailles napoléoniennes, Austerlitz, tendrait à accréditer cette croyance. Pourtant, en y regardant de plus près, on se rend compte qu’il ne s’agit ni plus ni moins que d’une variation de la tactique militaire millénaire consistant à attirer l’ennemi dans une direction donnée, pour mieux le fixer et le déborder[1]. Un plan magistralement exécuté, certes, mais en rien innovant.

Le Général Bonaparte au pont d’Arcole, le 17 novembre 1796. Huile sur toile d’Antoine-Jean Gros.

La raison fondamentale pour laquelle les armées françaises sont restées invaincues pendant quinze ans est à chercher du côté de trois innovations radicales dans la conduite des affaires militaires introduites par Napoléon. Par innovation radicale, nous entendons des ruptures conceptuelles majeures qui seront par la suite adoptées par tous les états-majors du monde et qui n’ont pas été démenties depuis.

1.    Penser hors du champ : la manœuvre stratégique

La guerre étant, selon Clausewitz, la prolongation violente de la volonté politique, il est logique que la manœuvre militaire (l’art de faire se déplacer les troupes) prenne une forme issue de l’objectif poursuivi : invasion, défense, soumission, rétorsion, blocus… A chaque but politique, une manœuvre particulière. Dans le cas des guerres européennes depuis l’antiquité, il s’agit le plus souvent de lutter pour la domination d’un territoire. Le but est d’éliminer la force adverse pour ensuite s’emparer du territoire (ou le défendre). Ainsi, les armées des belligérants se cherchent et, quand elles se sont trouvées, convergent vers un lieu nommé fort à propos « champ de bataille ». Il s’agit d’un endroit dégagé et suffisamment plat et vaste pour que se développent les manœuvres militaires à proprement parler : percée, enveloppement, contre-attaque, etc.

Napoléon sera le premier à imaginer la manœuvre à l’échelle stratégique, c’est-à-dire avant l’arrivée sur le champ de bataille. L’exemple le plus spectaculaire est celui de la bataille d’Ulm. En 1805, l’Autriche déclare la guerre à la France et envahit les territoires de l’actuelle Allemagne du Sud qui sont alliés à l’empire. Puis le gros des troupes autrichiennes se place au débouché de la forêt Noire, à l’est de la ville d’Ulm, d’où les Français devraient normalement arriver. Napoléon enverra bien quelques troupes pour faire croire qu’il tombe dans le panneau tandis que le gros de l’armée française, dans un vaste mouvement tournant, passe par le nord du massif et redescend par les plaines du centre de l’Allemagne pour prendre les Autrichiens à revers. Surpris, ces derniers se replient dans Ulm avant de capituler, assiégés, presque sans avoir combattu.

Napoléon venait d’inventer la guerre moderne.

Le Général Mack et son armée capitulent à Ulm, le 20 Octobre 1805. Par Paul-Emile Boutigny.

… La suite la semaine prochaine…

[1] Tactique qui est toujours à la base de tous nos jeux de ballon.

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