L’EIC Accelerator : franchir non plus 1 mais 2 vallées de la mort

18 Mars 2021. C’est à cette date qu’a été lancé l’EIC Accelerator par la Commission Européenne (CE)[1]. Si vous travaillez dans une start-up à ambition internationale, ou dans un fonds d’investissement en capital-risque, vous y avez déjà été confronté ou vous allez l’être !

Instrument de financement majeur de la CE, l’EIC Accelerator vise à atteindre deux objectifs :

  1. Financer les start-ups européennes les plus innovantes, ambitieuses et prometteuses,
  2. Favoriser et accompagner le capital-risque en Europe.

Avec un budget de plus de 3 Mrds€, et doté d’un fond d’investissement de 10 Mrds€ à terme qui en fait le plus grand fond d’investissement en capital-risque européen, l’EIC Accelerator devient un poids lourd du financement de l’innovation en Europe. Présentation d’un instrument qui s’est construit, qui a mûri, depuis plusieurs années.

L’expérimenté : le SBIR Américain

Instrument de financement américain créé en 1982, le Small Business Innovation Research (SBIR) finance en 2 phases les start-ups « early stage ». Phase 1 : $50K à $250K pour 6 mois, phase 2 : $1M pour 2 ans après une phase 1 réussie. Si bien sûr le capital-risque est prépondérant dans le financement des start-ups américaines, cet instrument a néanmoins prouvé son efficacité en aidant les start-ups dans un moment difficile, lorsque les aides à la R&D s’amenuisent et qu’il n’y a pas encore de rentrée d’argent.

S’inspirant de cet instrument, la CE lance en 2014 l’Instrument PME dans le cadre du programme cadre Horizon 2020.

Le newbie : l’instrument PME

Cet instrument se décomposait alors également en trois phases, légèrement différentes cependant :

  • Phase 1 : financement forfaitaire de 50k€ pour l’étude de faisabilité,
  • Phase 2 : financement de 500 à 2 500k€ pour le prototypage, la phase de démonstration, l’industrialisation,
  • Phase 3 : coaching business et services de business développement en parallèle à l’implémentation d’une phase 1 ou 2.

L’instrument PME a été un réel succès. 3 200 PMEs financées, 8 entreprises ayant réussi leur entrée en bourse (10% des entrées « tech » en bourse jusqu’en 2017), 18 acquisitions, un financement qui génère 1.6€ de financement privé pour chaque euro public investi… Avec un total de 47 000 applications jusqu’en 2018, cet instrument était un des plus populaires, et un des plus difficiles en termes de taux de succès.

L’analyse intermédiaire en 2018 a montré que 93% des entreprises financées étaient en recherche d’un financement supplémentaire, d’un montant de 1 à 5M€ pour 54% d’entre elles, afin de financer la production et la commercialisation de leurs produits. A contre-courant de ce besoin cependant, l’analyse de l’état du marché en 2017 montrait que les investisseurs en capital-risque se positionnaient préférentiellement sur des montants d’investissement plus importants, ce que reflétait l’opinion des chefs d’entreprises lauréates de la phase 2, plus confiants en 2018 pour obtenir un financement supérieur à 20M€ que de 1 à 3M€ [2].

Le soldat : L’EIC Accelerator Pilot.

Juin 2019, la Commission Européenne lance un pilote du successeur de l’Instrument PME : l’EIC Accelerator.

Cet instrument tient compte du constat fait en 2018 en proposant, en plus d’une subvention jusqu’à 2.5M€ et pour la première fois en Europe, l’accès à un financement en fonds propres jusqu’à 15M€ via une prise de participation au capital de la part de la Commission Européenne (via un véhicule financier adossé à la Banque Européenne d’Investissement). Ce financement se démarque à deux points de vue :

  • Il vise justement à combler le besoin des entreprises en « petits » rounds d’investissement, inférieurs à 5M€, tenant ainsi compte de la particularité du capital-risque européen par rapport aux Etats-Unis.
  • Il cherche également à attirer des co-investisseurs, afin de favoriser à l’avenir l’investissement dans cette tranche où le besoin est le plus important en Europe.

Instrument encore plus demandé qu’avant : 4223 projets sont déposés à la dernière date limite en octobre 2020, 38 financés, soit un taux de succès de 0.9% (!). En plus de ces chiffres qui ne sont pas très encourageants pour déposer un projet, le financement en fonds propres s’est avéré… un peu chaotique. Beaucoup de retard, informations aux candidats sélectionnés qu’ils doivent en fait trouver des co-investisseurs… 3 entreprises avaient effectivement reçu leur financement en equity au mois de janvier 2021.

Mais cet instrument a ouvert la brèche pour l’investissement de la CE au capital des entreprises, et l’EIC Accelerator est maintenant fin prêt.

Le vétéran : l’EIC Accelerator

On garde donc ce qui a marché : des taux de financement (70%) parmi les plus élevés pour des entreprises seules, des subventions jusqu’à 2.5M€, une proximité marché des projets favorisant des retours sur investissements rapides.

Et on change ce qui était, disons-le, perfectible : rajout d’une étape de screening pour augmenter les taux de succès des projets en étapes 2 (dépôt du dossier complet) et 3 (audition à Bruxelles), limitation du nombre de (re)dépôts (avec par exemple un même projet qui a été déposé 16 fois, on comprend que des évaluateurs tiquent un peu), clarification du mode d’investissement en equity avec la CE qui investit à moins de 50% sur un round, complété par des co-investisseurs privés.

Piloté par Herman Hauser, le Fond Equity de l’EIC Accelerator vise à financer les start-ups et accompagner le capital-risque européen par un co-investissement. Structure unique, l’accès à ce fond ne peut se faire que par le dépôt d’un dossier EIC Accelerator.

Bien entendu, des questions demeurent : le procédé de sélection se rallonge et demande d’anticiper bien plus qu’avant sa stratégie d’innovation, on s’interroge encore sur l’intelligence artificielle qui va aider les candidats à écrire leur proposition et nous perdons au global de la simplicité du début qui faisait la très grande force de l’Instrument PME.

Mais louons l’arrivée de ce nouvel outil, qui donne pour la première fois une vision globale du financement de nos start-ups les plus innovantes, en synergie avec le paysage du financement privé, afin d’accompagner les start-ups lors de leurs premières levées de fonds avec la partie subvention et de compléter les fonds privés pour mieux franchir la deuxième vallée de la mort, avant la commercialisation de leur(s) produit(s).

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[1] EIC Launch Ceremony

[2] EASME, Mai 2018 HORIZON 2020 SME INSTRUMENT IMPACT REPORT

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