Depuis quelques années déjà, l’AFNOR héberge un groupe de travail qui ambitionne de normaliser le management de l’innovation. Les travaux qui sont également conduit au niveau européen par le CEN (Comité Européen de Normalisation) portent sur trois thématiques : l’innovation, l’intelligence stratégique et la propriété intellectuelle. De prime abord, on est tenté de rejeter cette initiative : comment peut-on normaliser l’innovation ? Doit-on d’ailleurs essayer de le faire ?
L’AFNOR apporte une première réponse intéressante : pour collaborer, il faut a minima parler un langage commun. Normaliser les processus d’innovation devrait donc favoriser les collaborations en innovation, et donc favoriser l’Innovation Ouverte. C’est un premier point de taille, mais ce n’est pas le seul.
Ce qui n’est pas dit, c’est que le management de l’innovation est un métier ; un métier émergeant sur lequel se positionnent déjà bon nombre d’acteurs au premier rang desquels figurent des sociétés de conseil. Or, ce petit monde se divise en deux familles bien distinctes : ceux qui mettent en avant une expertise et ceux qui mettent en avant une méthodologie.
Les premiers ont tout intérêt à ce que le métier soit normalisé : ils vendent une qualité de service, une connaissance sectorielle, une proximité. La normalisation apportera à leurs clients un « savoir acheter » qui leur simplifiera la vie.
Les seconds adoptent une logique bien différente : ils développent leur méthode propre, originale, pertinente, mais hautement reproductible afin de pouvoir être mise en œuvre par un consultant junior. Ceux là n’ont pas intérêt à ce que la profession soit normalisée car ils y perdraient leur avantage compétitif : la notoriété issue de la rigueur de leur méthodologie.
Contrairement à ce que l’on observe dans l’industrie où la standardisation est l’œuvre des « gros » qui cherchent à jouer sur leurs économies d’échelle, la normalisation est ici menée par des « petits ». On ne peut que s’en réjouir.
Il y a un second point qui n’est pas abordé publiquement : à l’heure ou le gouvernement lance un Crédit d’Impôt Innovation, une définition commune de l’innovation pourrait sécuriser des PME fortement ébranlées par les nombreux contrôles fiscaux sur le Crédit d’Impôt Recherche.
Post-scriptum : difficile de parler de l’AFNOR sans parler de Boris Vian (ingénieur centralien), qui y travailla quelques années. Fondateur, avec Queneau, du club des Savanturiers, il écrivait : « Le monde est aux mains d’une théorie de crapules qui veulent faire de nous des travailleurs, et des travailleurs spécialisés, encore: refusons… Sachons tout… Soyez un spécialiste de tout. L’avenir est à Pic de La Mirandole.»