En intégrant, à l’intérieur du mécanisme du Crédit d’Impôt Recherche (CIR), un volet spécifique à l’Innovation – dispositif réservé aux PME (au sens communautaire, soit moins de 250 employés) et connu sous le nom de « Crédit Impôt Innovation » (CII) – l’Etat prend une initiative qui s’apparente à un défi multiple.
Premièrement, comme écrit plus haut, il intègre ce dispositif à celui du CIR, tout en limitant le taux applicable (20%) et en plafonnant le montant pris en compte (400 k€). Outre la complexité supplémentaire ainsi induite, qui donnera lieu à de nombreux débats d’experts, le gouvernement mêle donc son nouveau dispositif au controversé Crédit d’Impôt Recherche. Le premier défi sera donc de faire connaître le mécanisme aux PME sans le cantonner à une sous-ligne du formulaire 2069 (formulaire de déclaration du CIR) ! Pour l’instant, il semblerait que ce soit surtout les consultants qui communiquent sur le sujet, une recherche google suffit pour s’en convaincre.
Deuxièmement, on peut constater que le mariage de la fiscalité et de l’Innovation a provoqué – faut-il s’en féliciter ? – moins de débats que le mariage pour tous. Ceci étant, il ne faut pas être devin pour prévoir que les premières disputes et les premiers divorces arriveront bientôt. Comme pour les travaux de recherche, le périmètre de prise en compte de l’Innovation et sa démarcation avec la R&D vont faire l’objet de débats musclés avec l’administration, d’autant plus que l’on ne sait pas encore qui de l’administration fiscale, du ministère de la recherche et/ou du ministère de l’industrie (pardon, du « redressement productif ») validera l’éligibilité des travaux. Que l’on se base sur la définition donnée dans la loi, sur le manuel d’Oslo, ou sur tout autre référentiel, la mise en oeuvre pratique du dispositif va donner des maux de tête – et des sueurs froides – à ceux (PME ou administration) chargés de l’implémenter.
Ensuite, dans la continuité du point précédent, on sait que l’Etat reprend parfois d’une main ce qu’il donne de l’autre : les représentants des PME seront sans doute attentifs sur ce point. Plus gênant, on sait aussi que la volonté politique (aider les démarches d’innovation) peut se heurter à un manque de collaboration des services administratifs. Et ce de deux manières : en redressant excessivement les entreprises d’une part (ça s’est déjà vu), mais surtout en requalifiant leur CIR (taux de 30%) en CII (taux de 20%). La porte est d’autant plus grande ouverte sur ce point que le guide officiel du ministère de la recherche classe logiquement les projets de R&D au sein des projets d’Innovation, ou encore laisse un flou sur la prise en compte de certains prototypes, alors même que c’est un des points central du CII. L’affiche ci-dessus pourrait vite illustrer l’attitude de l’administration fiscale vis-à-vis des entreprises désireuses d’utiliser le CII.
Enfin, on peut légitimement s’interroger sur la capacité de l’appareil d’état a être innovant quant à son nouveau dispositif, lui-même encore à l’état de prototype ! Même si nous soutenons le principe de ce dispositif, il ne sera selon nous complet que lorsqu’il intégrera une vision plus extensive des processus d’Innovation, incluant les dépenses d’études techniques et marketing, qu’il sera étendu aux entreprises de moins de 2000 personnes, et qu’il deviendra ainsi une véritable incitation à la mise en place de processus d’Innovation formalisés dans les entreprises françaises (nous reviendrons sur ce point dans un futur article). Le Crédit d’Impôt Innovation 2013 est intéressant. Celui des années suivantes peut devenir révolutionnaire.
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