Ces jours-ci, la question de « l’incitativité » des aides publiques resurgit, à la faveur de rapports¹, actions publiques², et articles collatéraux. L’innovation y est au premier rang. Il s’agit bien sûr d’un sujet intéressant, encore faut-il bien poser la question. Demander de but en blanc à des entreprises si les aides sont incitatives, c’est à peu près aussi précis que de demander à des enfants ce qu’ils pensent de la politique nataliste de l’Etat ! (Ok, je provoque un peu).
Lorsque j’anime des formations et que j’aborde la question de l’incitativité des aides à l’innovation, je fais souvent le parallèle avec les politiques familiales en faveur de la natalité. Personne (ou presque…) ne dira jamais qu’il a conçu des enfants dans l’objectif de toucher des aides, ou que le système de garde d’enfants l’a incité à avoir un autre enfant.
Autre exemple tiré de mon expérience personnelle que vous pouvez reproduire autour de vous : si vous demandez à des chercheurs (privés ou publics) d’estimer le taux de succès de leurs propositions de projet dans le PCRD³, l’évaluation spontanée est souvent supérieure à 50%. Or, on sait que le taux de succès moyen est au mieux de 20 à 25% !
Bien entendu, il faut écouter les entreprises quant à ce qu’elles pensent des aides, mais il est plus important de leur demander si elles les connaissent, si elles savent les utiliser, si elles savent à qui s’adresser pour les utiliser efficacement. Ou encore, de les interroger sur les points précis qui limitent la portée de ces aides.
Ce qu’il manque par contre en France, c’est une véritable culture de l’évaluation. Certaines (grandes) entreprises commencent à mettre en place l’évaluation de la performance de l’innovation, et mesurent l’efficacité de leurs investissements dans ce domaine. De même, les entreprises doivent continuer de s’organiser collectivement (fédérations, associations) pour produire des données précises sur leurs pratiques. Au niveau de l’Etat, on constate qu’il n’y a pas encore suffisamment de politiques et de véritables pratiques d’évaluation des actions (en faveur de l’Innovation en particulier). Les évaluations effectuées sont rarement impartiales, et les données économétriques sont traitées avec un délai qui ne permet pas d’être suffisamment réactif. Ce n’est que par une politique déterminée d’évaluation objective de la performance des aides que nous pourrions espérer une réponse à cette question : les aides sont-elle réellement incitatives ?
¹ Vous pouvez télécharger ici l’étude d’Ernst&Young
² Mission de modernisation des aides publiques aux entreprises
³ Programme Cadre pour la recherche et le développement technologique