I-Lab 2021: où sont les femmes ?

I-Lab [1] est le concours pour les start-ups en amorçage, récompensant les innovations les plus prometteuses. Initié en 1999 par le ministère en charge de la Recherche dans le cadre de la loi sur l’innovation et la recherche, le concours national d’aide à la création d’entreprises de technologies innovantes a été, depuis, reconduit chaque année avec un double objectif :

  1. Détecter et faire émerger des projets de création d’entreprises s’appuyant sur des technologies innovantes ;
  2. Favoriser le transfert des résultats de la recherche vers le monde socio-économique.

La représentativité des femmes était en hausse ces dernières années, jusqu’à atteindre 20 % de lauréates en 2020. Sur l’édition 2021, ce chiffre est en fort recul, et les femmes ne représentent plus que 13 % des lauréats.

Couverture de Où sont les femmes ? De Patrick Juvet. Extrait de l’album Paris by Night, 1977.

C’est une très mauvaise nouvelle, car cela illustre et confirme des points faibles dans l’entreprenariat français :

1- Les femmes entrepreneures sont toujours plus vulnérables en temps de crise

Au beau milieu de la pandémie, 16% des dirigeantes de TPE interrogées par Bouge ta Boîte [2] étaient en risque immédiat de fermeture entre le moment du sondage, Juillet 2020, et fin Septembre 2020. 40% des femmes interrogées ont perdu plus de 70% de leur chiffre d’affaires sur la période du premier confinement.

L’incubateur au féminin Les Premières [3] a également fait un sondage auprès de son vivier d’entrepreneures par rapport à cette période inédite et ses conséquences. 22% des créatrices d’entreprises sondées ont dû faire face à un arrêt total de leur activité.

Déjà largement sous-représentées parmi les créateurs de start-up et les investisseurs, les femmes ont également plus souffert depuis le début de la crise sanitaire : 69 % des entrepreneuses ont ainsi été contraintes de suspendre leur activité pendant le confinement, contre 49 % chez les hommes, selon un sondage d’Initiative France mené auprès de 9.000 dirigeants de TPE [4].

2- Les femmes entrepreneures sont les grandes oubliées du plan de relance et des appels à projet développement et innovation 2021

Malgré le « quoi qu’il en coute », et bien qu’Emmanuel Macron ait déclaré « grande cause nationale » de son quinquennat l’égalité entre les femmes et les hommes, l’Etat ne doit pas oublier que les femmes, et notamment celles créatrices de société, avaient besoin de soutien.

L’appel à projet i-Lab, qui est l’appel à projet le plus emblématique pour le soutien aux jeunes entreprises technologiques, devrait soutenir plus de femmes dans l’entrepreneuriat, et promouvoir la féminisation dans l’évaluation régionale et nationale des projets. 

Puisque les statistiques des femmes diminuent dans les projets sélectionnés, il est temps de reprendre la main et de lancer des actions concrètes de sensibilisation et d’information, d’aller dans les lycées, dans les écoles d’ingénieurs, dans les laboratoires publics, et d’encourager les femmes sur ces sujets technologiques et sur ces financements : quand elles se lancent, elles sont au moins aussi performantes et excellentes !

3- A quand la mise en place de critères vraiment incitatifs dans les financements publics français ?

L’Etat incite les entreprises à la discrimination positive. Il a notamment adopté cette année une loi qui oblige à féminiser leurs organes de direction : avoir au moins 30 % de femmes parmi leurs dirigeants d’ici 2027 et 40 % d’ici 2030, et a lancé une plateforme pour permettre aux entreprises de communiquer sur leur critères ESG (Environnement Social et Gouvernance) en choisissant 20% des indicateurs sociaux comme liés à l’égalité homme femme (via l’index Pénicaud).

Il est temps que les appels à projets publics, et notamment ceux liés à l’innovation, intègrent dans leurs critères de sélection une vraie prise en compte des difficultés spécifiques rencontrées par les femmes pour créer et financer leur entreprise, grâce par exemple à des bonus (qui pourraient valoriser la pugnacité et les difficultés qu’elles ont rencontrées ne serait-ce que pour arriver là où elles en sont). Sans forcément inclure la discrimination positive, ces critères permettraient de mettre en lumière leur combat et de leur accorder la chance qu’elles méritent.

4- L’exemple Européen ?

Partant de ce constat, et pour permettre un écosystème deep-tech Européen plus juste et plus prospère, l’Union Européenne a lancé ce 13 Juillet 2021 un nouveau programme intitulé Women TechEU [5]. En parallèle du programme EIC Accelerator qui donne la part belle aux entrepreneures, ce programme Women TechEU a pour vocation de soutenir les start-ups deep-tech dirigées par des femmes, avec en particulier des subventions de 75.000€. Au-delà d’une subvention, ce programme vise également à les aider à prendre conscience de leur potentiel et devenir les leaders de demain par des programmes de coaching spécifique avec le EIC’s Women Leadership Programme.

Espérons que la France s’inspirera de ces initiatives !

We Can Do It! de J. Howard Miller, 1943. Représentation de Naomi Parker Fraley, surnommée « Rosie la riveteuse ».

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