Un des aspects les plus délicats du chiffrage du CIR/CII réside dans la déduction des subventions et autres avances remboursables.
Le III de l’article 244 quater B du Code Général des Impôts précise que « les subventions publiques reçues par les entreprises à raison des opérations ouvrant droit au crédit d’impôt sont déduites des bases de calcul de ce crédit, qu’elles soient définitivement acquises par elles ou remboursables ». Il est expliqué un peu plus loin que les sommes remboursables sont ajoutées à l’assiette du CIR lorsqu’elles sont remboursées. Très bien.
La particularité qui nous intéresse ici est « à raison de » qui est synonyme de « en proportion » : il convient donc de déduire les subventions reçues en proportion des opérations ouvrant droit au CIR/CII, donc éligibles au CIR/CII. En d’autres termes, si une partie de la subvention reçue concerne des activités qui ne sont pas éligibles, comme une étude marketing par exemple, elle ne doit pas être déduite de la base du CIR. Logique somme toute.
Enfin, s’agissant des subventions « reçues » et non des subventions « attribuées », on suppose qu’il convient de prendre en considération les sommes réellement versées à l’entreprise. Le CIR étant calculé en année civile, il faudra prendre en compte la date de versement de la subvention publique.
A ce stade de la lecture, vous vous demandez pourquoi la phrase introductive de cet article évoque l’aspect « délicat » de la prise en compte des subventions ? C’est parce que dans la vraie vie, les choses ne sont pas aussi simples !
En premier lieu, il est fréquent de percevoir les subventions publiques sur des périodes calendaires différentes de la réalisation des travaux. Par exemple, un projet démarre début janvier de l’année N mais vous avez reçu un paiement d’avance en N-1. Et vous recevrez le solde en N+3 alors que le projet s’est achevé fin N+2.
Sur ce point, la doctrine administrative nous vient partiellement en aide, proposant de déduire les sommes perçues l’année de réalisation des travaux, jusqu’à concurrence des dépenses de l’année, l’éventuel excédent étant reporté sur l’exercice suivant. Dès lors, que fait-on des soldes perçus l’année civile suivant la fin du projet ? Ce cas pourtant fréquent n’est pas prévu. Si l’entreprise expose toujours du CIR, il peut lui être proposé de déduire la somme de ses autres dépenses. Mais si elle n’expose plus de dépenses de R&D, la somme pourrait ne jamais être déduite.
Peut-être serait-il sage d’amortir les subventions au prorata de l’avancement du projet ?
Autre point délicat : celui du sort des prêts à taux zéro à l’innovation consentis le plus souvent par Bpifrance. S’agissant de prêts remboursables quelle que soit l’issue des actions de R&D qu’ils financent (quand ils ne sont pas tout simplement décorrélés de tout projet), il n’y a pas lieu de les déduire de l’assiette du CIR. Il convient de les traiter comme n’importe quel autre crédit.
Seulement voilà : une lecture trop rapide d’un arrêt mal rédigé d’une Cour Administrative d’Appel a pu laisser certains penser que ces prêts devaient être traités comme des avances remboursables. Il n’en est rien !
En effet, l’arrêt de la Cour Administrative d’Appel de Marseille du 17/01/2019 évoque « une avance remboursable dans le cadre d’un contrat de prêt à taux zéro ». De quoi prêter (sans mauvais jeu de mots) à confusion. Surtout, le texte nous apprend que « le contrat de prêt … prévoit qu’il comporte une aide publique équivalent à une subvention évaluée à 53,89 % du montant du prêt ». Là, il n’y a plus de doute possible : un « prêt » dont plus de la moitié est assimilable à une subvention ne peut être qu’une avance remboursable « classique ».
Vous l’aurez compris, en matière de traitement des subventions publiques et avances remboursables, nous ne sommes aidés ni par la loi, ni par la doctrine administrative, ni par la jurisprudence. Seul le bon sens doit nous guider.